Burtynsky Oil
Tandis que Timothy O’Sullivan, Carleton Watkins et William Henry Jackson photographiaient un paysage intact (l’Ouest américain), aux premières heures de sa colonisation, Burtynsky dresse la carte d’un monde qui a d’ores et déjà été radicalement modelé et ordonnancé, soumis à Sa Majesté Pétrole.
Sa géographie se place dans une zone psychologique encore vierge de toute expertise — un Petrolia cérébral aussi vaste que fragmentaire — assujettissant les événements, les lieux et les personnes. Ce terrain visionnaire s’oppose aux utopies que l’on a pu voir précédemment dans le landscape an. Les peintures de l’école de l’Hudson, par exemple, postulent sur la permanence dans le futur d’une nature non corrompue (des "espaces vierges", selon la terminologie de l’historienne de l’art Barbara Novak), en dépit de l’empiétement humain. C’est l’harmonie qui prévaut, entre la beauté transcendante de la nature et le développement de la civilisation, conçu à l’époque comme un hommage rendu à la création de Dieu.
L’atlas réaliste de Burtynsky démasque de telles fantasmagories. Les tromperies d’un destin trop évident sont révélées au grand jour. Sur une image, nous suivons la genèse d’un oléoduc depuis les sables pétrolifères de l’Alberta, au Canada, jusqu’à une clairière dans la forêt. Son tracé sinueux épouse les contours des bois ; ce n’est qu’en y regardant de plus près que nous réalisons que la lisière de la forêt a été redessinée, pour se conformer au positionnement du conduit. Afin d’honorer l’effort herculéen qu’exige l’extraction de 1 énergie, la nature se plie à notre volonté.
Le terrain à cartographier est un système réellement complexe, et sa topographie, un tissu conjonctif. Burtynsky présente son Petrolia comme un entrelacs relationnel dont le but est la production : une autocréation, 1 encastrement de divers éléments constitutifs d’un organisme cybernétique. Ses images mettent a nu les mécanismes de notre monde dédié au pétrole. Les quadrillages de ce territoire imaginaire entrent en connexion dans les points de fuite, apparents sur beaucoup de ces photographies. Ils deviennent un pivot pour notre regard, un axe sur lequel notre compréhension peut prendre appui. Des significations cachées se dévoilent lorsque nous passons d’une image à une autre : les lieux, les personnes, leurs moyens de transport, leurs loisirs... Tout cela est unifié par le pétrole - ce pétrole extrait du sol, raffiné, utilisé, et qui, ensuite, filtre à nouveau dans la terre en laissant un sédiment de ferrailles éventrées.
Nous naviguons dans Petrolia comme dans les allées enchevêtrées d’un dédale ; même lorsque nous faisons des détours, notre cheminement se déroule selon une logique fixée à l’avance. Nous glissons dans le labyrinthe.
Fiche technique
- Prix Éditeur
- 88,00€
- Langue
- Français
- Éditeur
- Steidl
- Auteur
- De Paul Roth, , Michael Mitchell, William E. Rees, Traduit par Sandrine Verspieren-Couprie
- Pages
- 215
- Dimension
- 37 x 29 x 2 cm
- Poids
- 2,922 kg
- État
- Neuf
- EAN
- 9783869300320